Le premier volet de cette série d’articles, sur Pierre Iᵉʳ, dit « le Grand », est à lire ici.
Catherine II de Russie (1729-1796)
Diderot lui trouvait « l’âme de Brutus avec toutes les séductions de Cléopâtre » et se désolait qu’en Russie « l’on ne [puisse] faire sentir aux maîtres les abus de la servitude ni aux esclaves l’avantage de la liberté, tant les uns sont despotes et les autres abrutis » (Observations sur le Nakaz, 1774).
En « despote éclairé », Catherine II va poursuivre l’œuvre impérialiste de Pierre Iᵉʳ. À l’ouest, elle s’empare de territoires ukrainiens, biélorusses et baltes lors du dépeçage de la république des Deux Nations. Au sud, elle renforce la mainmise russe sur les steppes ukrainiennes du nord de la mer Noire (la « Nouvelle-Russie ») et annexe le khanat de Crimée, en 1783. L’impératrice russe étend le modèle autocratique russe à ces territoires et y étouffe toute tradition républicaine.
En finir avec l’autonomie cosaque
L’Hetmanat cosaque, bien qu’affaibli par des décennies d’ingérence russe, représente une menace pour le pouvoir russe, de plus en plus centralisateur. En 1764, l’impératrice russe destitue l’hetman Kyrylo Rozoumovsky et abolit le titre d’hetman huit mois plus tard. En 1775, elle dissout, puis détruit la Sitch zaporogue, dernier bastion de l’autonomie cosaque en Ukraine. En effet, depuis la signature du traité de Koutchouk-Kaïnardji avec l’Empire ottoman en 1774, elle n’a plus besoin des cosaques zaporogues pour défendre les marches méridionales de l’empire.
Détruire l’héritage républicain de l’Hetmanat
En Ukraine, le règne de Catherine II marque un net recul dans toutes les sphères de la vie publique. L’impératrice russe abolit les institutions politiques de feu l’Hetmanat, rompt les liens économiques tissés avec l’Europe, dissout les pouvoirs locaux fondés sur la base du droit de Magdebourg et, en 1774, porte le coup de grâce au système de finances publiques mis en place sous Bohdan Khmelnytsky. La démocratisation de l’accès à l’éducation voulue par le dernier hetman Kyrylo Rozoumosvky ne verra pas le jour.
Discriminer, assimiler, écraser pour mieux régner
Catherine II veut éviter à tout prix la fronde sociale. Voici, en quelques dates clés, un aperçu de sa politique de répression en Ukraine.
1768 — L’impératrice ordonne d’arrêter tous les haïdamaks, insurgés cosaques, ayant participé à la Koliïvchtchyna, un soulèvement mené par Ivan Gonta et Maksym Zalizniak sur la rive droite du Dnipro contre l’oppression nationale et religieuse polonaise, par peur qu’il ne gagne la rive gauche du fleuve.
14 mai 1783 — Catherine II réintroduit le servage en Ukraine de la rive gauche, où il avait été aboli sous l’Hetmanat. La grande majorité des Ukrainiens est réduite à l’esclavage. Jamais dans l’histoire de l’Ukraine les serfs ne se sont trouvés dans une plus grande misère.
1791 — La tsarine confine l’immense majorité des Juifs de l’empire à la « Zone de résidence », qui correspond à presque tout le territoire de l’Ukraine actuelle, Crimée incluse. Cette région s’étend aussi sur les territoires du Bélarus, de la Lituanie et d’une partie de la Pologne.
Déportations, antisémitisme d’État, répressions culturelles et terreur à l’encontre des dissidents sont quelques-uns des marqueurs du règne de Catherine II.
Nous vous parlons de Nicolas Iᵉʳ de Russie (1796-1855) dans le troisième volet de cette série, à paraître prochainement.
Cette série d’articles est le fruit d’un partenariat avec l’Institut ukrainien, agence d’État ukrainienne chargée de promouvoir la langue et la culture ukrainiennes dans le monde par la diplomatie culturelle.